Pour un nouveau féodalisme

Je me pose une question sur le régime féodal médiéval en Europe. Le catéchisme républicain de l'Histoire officielle nous enseigne en effet que les nobles exploitaient leurs serfs, qu'ils leur taxaient la majeure partie de leur récolte et leur laissaient à peine de quoi se nourrir, ce qui provoquait des hécatombes chez la petite paysannerie lors des périodes de famine (mauvaises récoltes liées au climat).

Or il y a une contradiction flagrante dans cette version des faits. L'Histoire officielle nous explique bien que les travaux de la terre n'étaient réservés qu'aux classes inférieures, certaines appartenant corps et âme au seigneur local. Le seigneur, n'étant censé tirer ses revenus que de l'impôt qu'il imposait à ses serfs et des éventuels trésors qu'il pouvait piller au cours d'une guerre, dépendait donc presque exclusivement de la productivité de son servage. C'est là que la logique devient absurde: pourquoi un seigneur chercherait-il à affamer ses serviteurs, sachant que c'est eux qui lui fournissent sa propre nourriture, et qu'ils ne peuvent être productifs qu'en étant bien nourris et en bonne santé? A-t-on vu un Esquimau faire des économies de nourriture en sous-nourrissant les huskies qui doivent tirer son traîneau?

La comparaison entre le seigneur "exploiteur" et le patron d'usine capitaliste ne tient pas, car au Moyen-Age, la mobilité était technologiquement bien plus réduite que sous l'ère industrielle. Si la famine décimait le servage d'un seigneur, il ne pouvait certainement pas importer des remplaçants venant d'une seigneurie voisine ou d'un pays étranger. Il ne lui restait plus qu'à acheter de la nourriture aux vilains (paysans libres et aisés) du coin ou à tenter un pillage. Il avait donc besoin soit d'argent, soit de soldats. On en revient au même dilemme.

Quelqu'un aurait-il des éléments de réponse à mes interrogations?

H.N. a écrit:

La comparaison entre le seigneur "exploiteur" et le patron d'usine capitaliste ne tient pas, car au Moyen-Age, la mobilité était technologiquement bien plus réduite que sous l'ère industrielle.

Elle est d'autant moins pertinente que le fondement de leur pouvoir n'est pas le même:

- société de classe: étalon argent
- société d'ordre: étalon honneur/dignité

Je te renvoie à tes cours de science po; tu dois très bien connaitre cette distinction.

Pour le reste ... l'organisation sociale a justement pour objet le maintien du groupe social contre vents et marées; surtout contre vents et marées je dirais!
Le fondement de ce compromis ( si on décide de le fonder sur un "contrat social") est que chacun a une fonction naturelle au sein de la société, liée à l'ensemble de la société. Le guerrier protège le clergé et le peuple; le peuple nourrit le clergé et le guerrier; le prêtre sauve l’âme du clergé et du peuple. Chacun a donc une dignité propre, des obligations et des privilèges propres.

Dans ton message tu as l'air de dire que l'histoire officielle décrit le seigneur comme un monstre exploiteur. Ce n'est pas vrai ... Ceux qui font cela sont des politiciens plus que des historiens et je ne les pense pas d'une grande intégrité. Mettre les gens dans des cases, ignorer la complexité de l'existence humaine et des situations facilite grandement la manipulation de l'opinion à des fins politiques. D'ailleurs même la répartition tripartite est aussi partiellement fausse ( le pouvoir financier compte aussi pour s'élever dans la société d'ordre historique).

De fait nous nous devons de sortir de notre vision moderne et étriquée de la vie au Moyen-Age et ne pas oublier que la perception des choses était différente.
Il fallait tenir sa place devant Dieu humblement; le regard de l'homme étant alors vertical et ascendant du bas vers le haut. Désormais notre regard du monde est horizontal, et notre satisfaction, notre but dans l'existence, l'objet de nos vies, c'est notre ego en lutte contre d'autres egos ...

Thoreau a écrit:

De fait nous nous devons de sortir de notre vision moderne et étriquée de la vie au Moyen-Age et ne pas oublier que la perception des choses était différente.
Il fallait tenir sa place devant Dieu humblement; le regard de l'homme étant alors vertical et ascendant du bas vers le haut. Désormais notre regard du monde est horizontal, et notre satisfaction, notre but dans l'existence, l'objet de nos vies, c'est notre ego en lutte contre d'autres egos ...

Cette guerre d'egos qui rend aussi toute communication impossible, ajoutant à la division et au chaos, cette guerre qui devrait logiquement nous mener à la haine de nous même, au nihilisme, à l'autodestruction, ou bien à un désir maladif de métamorphose, de transformation complète, qui fera donc de nous des transhumanistes convaincus et d'éternels insatisfaits/malheureux, toujours à courir après les dernières technologies en matière de remodelage corporel et cérébral... le fossé entre les riches et les pauvres deviendra alors un gouffre, un abysse....

Thoreau a écrit:

Dans ton message tu as l'air de dire que l'histoire officielle décrit le seigneur comme un monstre exploiteur. Ce n'est pas vrai ...

Je te suggère de prendre un livre d'histoire de collège utilisé dans l'enseignement public (le Moyen Age est au programme du collège si mes souvenirs sont bons) et de nous recopier les passages décrivant les relations sociales entre la noblesse et la paysannerie.

Malheureusement je n'ai pas mes anciens livres d'histoire sous la main...


@Asgrim: tout à fait d'accord. D'où l'importance de ne pas consommer un forum internet.

Ce que j'ai écrit est clair me semble t'il?

Citation :

Ceux qui font cela sont des politiciens plus que des historiens et je ne les pense pas d'une grande intégrité.

Ce sont bel et bien des profs idéologisés qui professent l'histoire officielle, donc je ne vois pas où est le désaccord?

L'histoire officielle décrit bien les seigneurs féodaux comme des exploiteurs, de façon idéologique et non historique. Beaucoup d'autres sujets souffrent du même traitement...