WOLFNACHT - Project Ordensburg
(album 2011, Evil Rising)
J'ai plusieurs fois mis Project Ordensburg avant de me coucher, et me suis à chaque fois endormi pendant le troisième morceau, sans pouvoir me rappeler précisément de la suite au réveil (n'allez pas conclure trop vite que cet album est somnifère...). J'ai donc décidé aujourd'hui d'écouter l'album en éveil de bout en bout.
J'étais resté assez sceptique depuis ma précédente écoute - notamment à cause des vocaux - pour tout dire, j'avais la flemme d'approfondir mon analyse. Depuis son premier album, WOLFNACHT semble voué à un parcours discographique en dents de scie : après un Night of the Werewolf maladroit et débutant, un Heidentum magistral et glacial ; après deux albums plus ou moins ratés à mon sens (Töten für WOTAN et Dawn of Heathens), un chef d'œuvre absolu et indétrônable (Zeit der Cherusker, chroniqué ici-même) ; enfin, un EP 2 titres pour patienter - AIMA KAI TIMH - ni bon ni mauvais, mais ne montrant pas de réelle progression.
Même si le son du groupe (à membre unique) continue à évoluer, Zeit der Cherusker avait placé la barre trop haute pour la portée de Project Ordensburg, qui reste toutefois un album honnête, avec ses défauts et ses qualités.
Commençons par le visuel du CD. On sait le sieur Athalwolf très féru de gravures germanisantes et d'affiches de propagande d'une certaine époque. Comme pour Zeit der Cherusker, le livret montre donc divers montages graphiques, sans inclure les paroles des morceaux. Première déception donc pour ma part, puisque qu'à mon sens les paroles doivent primer sur les graphismes dans un livret. Secundo, la liste des morceaux figure non pas sur l'arrière du CD, mais sur la pochette interne.
Pour rester dans les préférences personnelles, la pochette de devant n'est pas vraiment à mon goût. Que représente-t-elle en arrière-plan? La mer ou des montagnes? Des châteaux, des usines ou des paquebots? Quel rapport entre les chevaliers en armure médiévale et le décor plus moderne de l'arrière-plan? Bref, le dessin manque de précision et de réalisme, le trait est naïf - sans être aussi puéril que, disons, la pochette de Carpathian Wolves.
En ce qui concerne la musique, qu'on pourrait qualifier de 'metal extrême NS', on sent toujours l'influence prédominante de SATYRICON période Nemesis Divina, autant au niveau de la production que des compos. Le côté symphonique est encore plus présent que sur Zeit der Cherusker. Attention, les fortes influences norvégiennes n'effacent pas la patte typiquement hellénique du groupe, mais parfois les guitares lorgnent presque vers le mélodeath, voire vers le death tout court sur "Project Ordensburg".
Aussi léchée qu'elle soit, la production et les orchestrations symphoniques ne sauvent pas les compos, qui souffrent globalement de répétition. Les quelques bons riffs sont surexploités et on se croirait parfois revenu à l'époque de Night of the Werewolf en terme de structure. Pourtant Athalwolf avait montré sur Zeit der Cherusker à quel point il peut maîtriser des enchaînements de génie...
Pour prendre un exemple, penchons-nous sur "Durch Nacht zum Licht" : avec son riff en accords mineurs, ce morceau fait office de clone de Burzum de l'album, comme tant d'albums ou démos de black metal hellénique comportent. Sans être foncièrement mauvais ni raté, il sonne superflu.
Passons enfin à ce qui constitue un problème majeur de l'album : le chant. Comme on l'a vu précédemment, WOLFNACHT continue à progresser musicalement et à expérimenter, notamment au niveau d'une production plus pro qui inclut une guitare rythmique légèrement en retrait et une guitare soliste très mélodieuse. Athalwolf a cette fois-ci décidé d'enlever à sa voix toute dimension braillarde ou hurlée. Il en résulte une espèce de voix parlée, légèrement saturée, éructée du fond de la gorge, mais sans puissance, et mise en relief par divers effets (échos, légère réverb). Non seulement l'utilisation de cette voix sur un album entier est un mauvais choix, mais de plus, elle est mixée bien trop forte, ce qui la rend inévitable et légèrement agaçante - même si la prononciation allemande d'Athalwolf est désormais quasi-parfaite.
Dans toute musique de type militante, je n'aime pas ce qui est trop didactique, car je préfère le côté sauvage de l'art, qui se révèle malgré lui de façon pas forcément contrôlée. On comprend en écoutant WOLFNACHT que la manie du contrôle est un enjeu primordial pour Athalwolf. Reste que la formule ne peut pas marcher à chaque fois, car le tâtonnement de l'expérimentation entraîne obligatoirement des erreurs. Telle est finalement la logique du progrès, qui ne peut être uniforme, car il passe forcément par des hauts et des bas, puisque la perfection n'est pas de ce monde.