Internet: anonymat, gratuité, jeu de rôle et masturbation intellectuelle

Internet: anonymat, gratuité, jeu de rôle et masturbation intellectuelle


Fréquentant les sites internet dissidents depuis presque une quinzaine d'années et ayant adopté une dizaine de pseudos différents au cours de ces années, j'ai de plus en plus envie de signer avec mon véritable prénom et mon véritable patronyme, quitte à braver les foudres de la justice en cas d'incartade aux lois françaises.Si je le pouvais, je prévoirais un budget de plusieurs dizaines de milliers d'euros pour me préparer à l'éventualité d'une condamnation (forcément à une amende, les peines de prison ferme prononcées pour la diffusion de simples écrits restant relativement rares). Plus je vieillis et plus je perds le goût des artifices (apparence vestimentaire ou coupe choquantes, maquillage d'identité) au profit d'une relative discrétion fidèle à mon tempérament. Je n'aime pas me faire remarquer pour rien: j'aime dire la vérité et apporter mes connaissances aux débats. J'aime aussi apprendre de nouvelles connaissances et découvrir de nouveaux aspects de la vérité que je ne soupçonnais pas.

J'ai l'expérience des pérégrinations sur internet et de la faune qui y sévit. Je sais à peu près qui est qui, qui poste quoi et pourquoi ; je sais la différence entre ce que certains postent et ce qu'ils sont réellement. Je sais reconnaître les mythomanes multicomptes, je sais qui peut se cacher derrière l'anonymat et je sais reconnaître le style d'une personne qui essaye de se faire passer pour autrui. Malheureusement cette mythomanie (à la fois fuite et déni d'un réel de plus en plus implacable et oppressant) est devenue omniprésente dans la mouvance nationaliste. Bien sûr elle ne se restreint pas qu'à internet, car beaucoup de mes anciens amis l'exerçaient. Mais sur internet, elle trouve à la fois ses moyens et ses fins. Ses moyens techniques: la création d'une ou de plusieurs identités/personnalités virtuelles par le biais de l'anonymat, dont on ne peut retracer aucune information fiable (localisation, emploi, âge, sexe, nom) sous prétexte qu'un "cyber-militant ne doit prendre aucun risque d'être identifié en cas de poursuites pénales". La clandestinité/illégalité de notre combat idéologique devient alors l'alibi de tous les marginaux à l'imagination débordante qui veulent prendre leur revanche virtuelle sur leur quotidien réel. Voilà les fins: se créer, comme dans un MMORPG, un personnage imaginaire qu'on peut endosser à volonté dans le monde parallèle des forums et des réseaux sociaux.

La solitude moderne, notamment urbaine, aboutit au paradoxe du solitaire qui se retrouve à communiquer, non pas avec les seuls humains qu'il côtoie en chair et en os (le boulanger, la caissière de supermarché, le voisin), mais avec des inconnus parfois lointains qui ne lui communiquent que des informations parcellaires, voire fausses. En somme: accroissement de la liste d'amis sur Facebook, mais amincissement du répertoire téléphonique. Mais si je tombe malade, s'il faut me conduire à l'hôpital, ce n'est certainement pas un type vivant en province qui partage mes idées sans jamais m'avoir rencontré qui pourra m'aider. Si je meurs demain, ce type ne sera peut-être jamais au courant! Même s'il ne m'oublie pas, comment pourrait-il se tenir au courant de ce qui m'est arrivé, ne sachant rien de moi ni de mes liens sociaux réels? En demandant de mes nouvelles à mes autres contacts Facebook ou aux autres membres du forum (que je n'ai pour la plupart jamais vus de ma vie)?

La rencontre réelle demande toujours un effort conséquent, car dans le fond, toute rencontre humaine basée sur l'échange mutuel et le respect est enrichissante à la mesure de l'effort fourni pour aller vers l'autre. Dans la vie il n'y a rien de gratuit, contrairement à l'illusion qu'auto-entretiennent les masturbateurs virtuels d'internet. Ceux-là veulent tout obtenir par facilité, en fermant les yeux sur l'effort fourni pour concevoir les produits qu'ils consomment. Ils ne donnent conséquemment rien de concret ni d'intéressant, à part des illusions facilement productibles.

De toute façon une personne qui passe beaucoup de temps à écrire des articles non-rémunérés sur internet ne peut être qu'un homme célibataire issu des classes supérieures, avec des idées politiques héritées de son milieu social. Qui d'autre peut consacrer autant de temps et d'énergie?