Depuis l'enfance, j'ai toujours voulu écrire. J'ai écrit des nouvelles et des ébauches de roman, très inspirées (parfois à la limite du plagiat) par mes lectures de l'époque, d'abord dans un registre adolescent fantastique-horreur, puis dans un registre plus néo-naturaliste. Je ne sais plus combien de projets différents j'ai entamés. J'ai juste terminé deux nouvelles, pas franchement géniales avec le recul. Concernant les ébauches de roman, je n'ai jamais dépassé la dizaine de pages.
Puis j'ai découvert le black metal et j'ai commencé à composer et à enregistrer de la musique dans ce style. L'exercice a comblé momentanément mes besoins créatifs (exercice assez complet puisque je compose la musique et les paroles).
J'ai commencé à écrire des textes en français sur les démos d'Anthropophobe. Je ne considérais pas ces textes comme suffisamment riches d'un point de vue poétique pour représenter autre chose qu'un élément d'accompagnement de la musique. Puis ma créativité a été dopée par la dépression et la consommation de drogues. A partir de 2003-2004, j'ai commencé à écrire de véritables poèmes en vers (certains ayant suivi par la suite de textes à des morceaux, comme "Le Royaume des Morts"), qui pouvaient être lus sans contexte musical - et qui pouvaient même dépasser la valeur artistique d'un morceau. J'ai perdu certains de ces poèmes écrits impulsivement sur des feuillets volants.
La poésie est le summum de mon talent littéraire. L'inspiration surgissant presque par surprise, elle me possède puis me laisse tranquille. Elle m'
urge* - comme la musique. Une idée me vient en tête et il faut que je la couche sur papier pour ne pas la perdre. Je commence par deux rimes, puis j'enchaîne sur deux strophes, et je boucle le poème en trois ou quatre strophes. Solution de facilité? Oui, certainement - comme la musique. Ou comme écrire un article.
Travailler pour construire une intrigue susceptible de tenir sur une centaine de pages, des personnages avec des portraits psychologiques spécifiques, une chronologie narrative cohérente, une trame de fond historico-géographique? Pas le temps, ni l'énergie. Tout ça pour quoi? Ecrire un roman qui me prendrait des années et que je ne pourrais pas publier faute de pistonnage dans le milieu de l'édition? C'est tellement plus simple de prendre ma guitare et mon stylo pour composer une chanson de deux minutes.
Et puis surtout, pourquoi s'emmerder à bricoler une histoire fictive, au lieu de raconter
mon histoire? Mes problèmes familiaux, mes relations amicales et amoureuses avortées, la vie parisienne que j'ai connue, mes expériences avec les drogues, mes souvenirs des années 90, mes découvertes musicales, ma vie sexuelle et affective - tout cela est largement suffisant en terme d'intérêt et suffisamment représentatif de notre époque pour me dispenser d'inventer une fiction dans laquelle je serais obligé de travestir les lieux, événements et noms de personnes. Non, si je dois raconter une histoire, ce sera la mienne, avec les vrais noms, les vrais lieux, les vraies dates, avec autant de précision que ma mémoire le permet.
On en arrive alors au souci que rencontrent beaucoup d'auteurs dans un cas similaire: l'obligation de changer les noms propres pour éviter les procédures judiciaires. Et on en revient à ce que je disais au-dessus: sans la machine de guerre juridico-commerciale qu'est une maison d'édition, pas de publication, donc pas d'écrivain au sens officiel du terme - juste un blogueur/forumeur qui raconte sa vie sur internet.
J'écris, mais je ne suis pas un
écrivain; j'écris des poèmes, mais je ne suis pas un
poète. Seul le titre de
musicien m'est accordé, car j'ai effectivement publié des œuvres musicales sur format physique. Ce que je publie sur internet, malheureusement, ne reste pas en ligne éternellement; je ne doute pas de l'impact (certes minimal) de mes écrits, mais de leur durée de vie. Je ne peux rien faire de mieux qu'essayer de sauvegarder et de maintenir en ligne tout ce que j'ai publié sur internet depuis une quinzaine d'années. C'est loin d'être une tâche aisée, et je ne pourrai plus m'en acquitter une fois mort.
Bien sûr, je pourrais me plaindre que je suis en train d'écrire pour des prunes, de travailler pour rien, de perdre mon temps à mettre en ligne un texte qui ne me rapportera rien. Mais pourtant je profite moi aussi de ce système: je préfère largement lire des récits auto-biographiques sur des blogs/forums qu'acheter un livre romancé sur la vie d'une personnalité...
A partir de là, le roman n'a finalement plus sa place qu'au sein d'une industrie du divertissement formatée, reposant sur un circuit de promotion-distribution en magasin très inaccessible aux artistes indépendants et aux lecteurs fauchés (deux catégories non-exclusives). En épurant ma phrase: le roman n'a finalement plus sa place... dans notre vie.
- Spoiler:
*Quand j'écris, c'est toujours dans l'urgence, comme quand je compose: pour faire face à la mort qui s'approche de jour en jour et à l'oubli qui s'ensuivra. C'est toujours à 5h du matin, avant d'aller me coucher. Je suis en train d'écrire alors que j'ai deux morceaux à remixer et une pochette de CD à remanier. Je suis en train d'écrire alors qu'il faut que je me couche, car demain je dois me lever pour aller au code.