Jouer à la guerre

En 1994 j'avais 11 ans et j'étais en sixième. Je m'intéressais déjà aux armes, notamment aux armes à feu. A l'époque j'avais découvert avec mes camarades d'école le paintball et les pistolets à air comprimé tirant des billes en plastique. Bien que pratiquant régulièrement la chasse, mon père était totalement hostile aux armes et il m'interdisait de posséder un pistolet à billes, de tirer avec une carabine à plombs ou de pratiquer le paintball. Je me souviens d'ailleurs très bien que le jour où j'ai bravé son interdiction en achetant un faux Beretta à billes avec la complicité de ma mère (qui le cassera bien plus tard), il m'a puni quand il l'a découvert. "Tu sais bien que je ne veux pas que tu achètes de pistolet", allez privé de console!

Je ne sais plus s'il l'a confisqué ou s'il me l'a laissé. Je me souviens aussi que j'avais du mal à recharger le faux Beretta en actionnant le chien, j'étais obligé de tenir fermement la crosse de ma main gauche en appuyant le canon sur un mur et de tirer de toutes mes forces sur le canon amovible avec ma main droite. J'avais fabriqué une cible en carton et je tirais dessus d'un bout à l'autre de ma chambre. Après avoir tiré, je regardais les impacts sur le carton et je récupérais consciencieusement les petites billes jaunes.



Un ami appelé Édouard possédait un paintball. il m'en parlait souvent dans le vestiaire après les cours de sport. Il m'avait invité à déjeuner chez lui pour me le montrer. Son pistolet paintball était beaucoup plus lourd et imposant que mon faux Beretta, le canon était bien plus large et les billes de peintures au moins cinq fois plus grosses que les billes de plastique. Sans faire exprès, il avait tiré dans sa fenêtre presque à bout portant. Grosse frayeur! Mais la fenêtre avait résisté. Seule une tâche de peinture facile à nettoyer témoignait de l'impact. (Une fois, bien plus tard, un camarade invité chez moi a tiré involontairement une balle de caoutchouc sur un mur intérieur, l'impact est encore visible.)

Nous avions également un ami commun appelé Jean-Philippe. Dans le bureau du grand appartement de ses parents, il y avait un ordinateur (objet encore rare à l'époque où les consoles dominaient le marché du jeu vidéo et où l'informatique en était à ses balbutiements). Et sur cet ordinateur était installé un nouveau jeu qui nous impressionnait beaucoup: Wolfenstein 3D. Un jeu dans lequel on incarnait un prisonnier américain devant s'échapper des geôles d'une forteresse allemande pendant la Seconde Guerre Mondiale. Drapeaux à croix gammées, portraits d'Hitler au mur pour les décors; soldats allemands, officiers SS et bergers allemands en guise d'ennemis. Un couteau pour seule arme au départ: il s'agissait ensuite de ramasser les armes et munitions des ennemis tués. On pouvait commencer par trouver un simple revolver, puis en avançant dans le jeu on pouvait tomber sur une mitrailleuse. L'aspect révolutionnaire du jeu consistait en un point de vue subjectif: le joueur pouvait voir à travers les yeux du héros, dont la seule partie du corps apparaissant à l'écran était le poing tenant l'arme.

Je suis allé jouer une fois chez Jean-Philippe avec Édouard. Chacun de nous trois devait s'occuper d'une commande: Jean-Philippe s'occupait des flèches de déplacement, Édouard du bouton de tir (probablement Entrée) et moi je devais ouvrir les portes (avec Ctrl si mes souvenirs sont bons). Il n'y avait pas de son, ou alors seulement des cris poussés par les ennemis. Chaque apparition d'un ennemi nous faisait sursauter et crier.

Comme je n'avais pas encore mué, Jean-Philippe trouvait que je criais comme une fille. Il n'avait pas encore mué non plus mais il ne manquait jamais une occasion de se moquer de moi. Par la suite j'ai largement compris que son amitié n'était pas fidèle. Sa trahison marquera en 1999 le début d'une longue dépression alimentée par une série douloureuse de déceptions amicales. Dépression encore vivace aujourd'hui, aux causes inchangées. (Je crois que Jean-Philippe est devenu trader.)

Pour moi, pour nous, la guerre était un jeu. Peut-être que demain elle deviendra une réalité. Alors les claviers, les écrans, les manettes laisseront la place au métal, aux douilles, aux rues transformées en champs de bataille, aux cadavres. On se souviendra avec nostalgie de l'époque pré-adolescente où on jouait à se faire peur bien au chaud dans un fauteil - peur de mourir et de devoir recommencer le niveau au début. Cette fois-ci, il n'y aura qu'une seule vie et le game over sera définitif.

Et tu as déjà tiré avec une arme; une vraie?

Avec un pistolet à balles de caoutchouc, oui. Jamais avec une arme à feu létale, mais j'aimerais beaucoup. Pour l'instant j'ai pas les moyens de m'inscrire dans un club de tir ou d'acquérir une arme (dangereux en cas de perquise).

Fantasmer sur les armes à feu et la guerre est le début de la fin......

...la fin de quoi?

de toi, de ta vie! lors d'une guerre, les combattants sont tjrs des sacrifiés, sur un champ bataille il n'y a pas de vainqueurs,
même si tu échappes à la mort, t'es foutu....

Ma vie n'a pas un grand intérêt ni une grande importance, et comme tu l'as souligné dans un autre fil, elle est triste.

de triste, elle passera sur le champ de bataille en pure folie, insanité...  tu n'es pas le seul à avoir une vie triste, arrête de t'appitoyer....  tu manges à ta faim, t'as du temps à consacrer à tes passions, tu passeras l'hiver au chaud, c'est déjà pas mal....

Il t'en faut peu pour te satisfaire, mon pauvre ami. Je dis "pauvre" parce que ton argumentation est faible: en réfléchissant 5 secondes, tu devrais te rendre compte que c'est justement le fait que certaines personnes n'ont/n'auront plus de quoi se nourrir et se loger qui va déclencher les hostilités... Et ces personnes vont aller sonner chez ceux qui ont un logement et de la nourriture.

Capice?

....chez toi donc  
Tu dois replacé mon argumentation dans le contexte actuel et sortir de ta bulle pour mieux l'apprécier, et ce n'est pas parce que les gens crèveront de faim qu'il y aura une révolution, ce sera juste le chaos..... même ceux qu'on traine de force sur les champs de bataille/à la mort sont incapables de s'organiser et de se révolter.......

Jusqu'à preuve du contraire tu n'es ni à la rue ni mort de faim, donc dis plutôt: chez nous.

Oui ce sera le chaos généralisé, pour survivre il faudra posséder des armes, et tôt au tard ceux qui en possèderont (l'armée, la police ou les gangs) instaureront un nouvel ordre.

C'est cela que j'appelle une révolution.

moi j'appelle ça un cercle infernal.

Tu trouves ça intéressant de passer toute la journée de samedi devant ton écran à poster des conneries? Tu trouves ça constructif?

Désolé mais j'ai pas que ça à faire, continue tes provocations et je te vire de la section politique du forum.

H.N. a écrit:

Tu trouves ça intéressant de passer toute la journée de samedi devant ton écran à poster des conneries? Tu trouves ça constructif?

Désolé mais j'ai pas que ça à faire, continue tes provocations et je te vire de la section politique du forum.

ce n'était pas de la provocation... du chaos, des armes, des morts, un nouvel ordre, c'est du vu et revu dans notre histoire....

Mais alors je te repose la question une seconde fois: qu'est-ce que tu proposes, toi?