Lord of War, Andrew Niccol, 2005
Lord of War est une daube - certes bien emballée et techniquement sans faille - qui suit un schéma hollywoodien éculé (qu'on retrouve par exemple dans Les Affranchis):
- en mettre plein la vue au spectateur, quitte à ne pas lésiner sur l'excès et l'approximation
- mettre en scène l'ascension et la déchéance d'un anti-héros
- réhabiliter l'anti-héros par une fin en queue de poisson, ici assortie d'une petite morale conclusive à la fois orale et écrite, histoire d'être bien assimilée par les derniers de la classe.
AMBITIONS RATÉES
Le film, qui se prétend inspiré de faits réels, foire à deux niveaux: historiquement, il n'est pas crédible du tout, complètement approximatif et bordélique, et on n'a aucune conscience du temps qui passe; d'autre part, le scénario est bidon car il privilégie le spectacle à la cohérence. Tout est grossier, caricatural, tape à l'oeil. Le public visé est élargi au maximum, d'où l'absence de nuances. En deux heures de film, seules deux scènes m'ont touché: Ava quittant l'appartement au moment où Youri l'appelle, et la réplique finale du flic d'Interpol. Tout le reste n'est qu'une daube hollywoodienne bien ficelée, qu'on suit comme un film d'action/suspense à rebondissements, sans y croire une seconde.
CASTING FOIREUX
Le film est globalement mal joué et comporte des erreurs de casting. Passons sur le fait que je n'aime pas Nicolas Cage (citer Volte Face suffit à me justifier). Youri [Nicolas Cage] et Vitali [Jared Leto] n'ont l'air ni d'être frères (aucun trait de ressemblance physique), ni d'être originaires d'Ukraine (contrairement à leurs parents). De plus, leur différence d'âge paraît grande. A l'inverse, André Baptiste Senior [Eamonn Walker, l'acteur qui joue Kareem Said dans l'excellente série Oz] et André Baptiste Junior [Sammi Rotibi] n'ont pas du tout l'air d'être père et fils, leur différence d'âge paraît équivalente à celle de Nicolas Cage et Jared Leto. Les acteurs noirs jouent comme dans un clip de rap formaté pour MTV; quant aux actrices noires, elles paraissent tout droit sorties d'un clip de R&B. Lors des scènes en Afrique, seuls le décor et les figurants sont crédibles.
MESSAGE CONTRADICTOIRE
La leçon de morale bien pensante de la fin est digne d'un gamin de dix ans et dénuée de la moindre réflexion sur la nature humaine. De plus, elle contredit toute la dénonciation de l'homme d'affaires sans scrupules que contenait le film.
Lord of War se veut cynique alors qu'il est moralisant - ou serait-ce l'inverse? En réalité on ne sait plus; le véritable cynisme consiste à vendre des films de ce genre, car paradoxalement, quel message les gens retiennent-ils du film? "Si tu vends des armes illégalement, tu vas te taper toutes les filles que tu veux et devenir richissime". La leçon de morale finale à deux balles est purement formelle et beaucoup trop didactique pour convaincre qui que ce soit. Est-ce involontaire? Je n'en suis même pas sûr.
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