Quelques citations du philosophe Claude Polin, extraites d'un livre co-écrit avec Claude Rousseau dont je n'arrive pas à retrouver le titre:
"Ce que les Alliés ont enterré, ce n'est pas seulement le nazisme, mais l'Occident éternel, (...) ce qu'ils ont en revanche consciemment et avec acharnement érigé en ses lieux et places, c'est le fantôme sans chair d'un Occident aux couleurs soit d'un communisme agressif et haineux, soit d'une démocratie commerçante et sans foi, condamnant ainsi l'universalisme occidental à n'être plus que la caricature de lui-même, c'est-à-dire à n'être plus conquérant par la confiance et l'adhésion intérieure, mais par la violence destructrice du ressentiment ou par la séduction létale de l'hédonisme."
"Je définirai donc le barbare comme un être asservi à sa propre immédiateté. J'entends par là un homme qui n'obéit jamais qu'à ses instincts, et dans chaque circonstance à celui d'entre eux qui domine momentanément; un homme chez qui, en dehors de ses pulsions instinctives, le principe de plaisir est la règle d'or, sauf si la peur prend le pas sur le désir; un être de caprices et de foucades, de passions (toute passion est sauvage dans son essence) et d'irréflexion, ce qui ne l'empêche pas d'être rusé (qu'il puisse être quasi diabolique pour se procurer l'objet de son désir ne signifie pas qu'il ne puisse être stupide dans son asservissement à son désir-même); un être qui n'est pas nécessairement méchant, mais simplement qui ne regarde qu'à soi-même, et aux autres seulement dans la mesure où ceux-ci peuvent favoriser ou nuire à l'entreprise en cours; un être qui peut être capable d'affection un instant, et de son contraire l'instant suivant; donc aussi un être qui peut vivre en société, mais à la seule condition que celle-ci soit perpétuée par des habitudes aussi puissantes que des engrenages mécaniques, par des stimuli continûment irrésistibles, et probablement par une bonne dose de crainte, directement proportionnelle à la loyauté, à la fidélité à lui-même et à la parole donnée."
"Il est probable aussi que les hommes de demain, asservis à leurs désirs infinis, seront à la fois exigeants et mous, exigeants comme des enfants et incapables d'autre chose que de petites exigences, de petites révoltes et de petits crimes.(...) Violents, ces amas d'hommes le seront à coup sûr (...) puisque la préférence pour soi y sera déclarée légitime, parce que le respect d'autrui y sera privé de tout fondement profond. Cependant cette violence sera toujours contenue par la nécessité de ne pas être trop voyante car l'impunité accordée à la plupart des délits contraindra l'autorité à se manifester, de temps à autre, par des châtiments qui se voudront exemplaires mais demeureront ponctuels, ne serait-ce que pour signaler qu'elle rend un service."
"Nos sociétés sont en voie de devenir des asiles, où des aliénés font ce qu'ils veulent puisque ce sont des aliénés et qu'on ne saurait leur en vouloir. On remarquera au demeurant que le terme d'aliénation peut être pris au sens strict, puisque l'individu qui est capable de se concevoir lui-même, c'est-à-dire de faire acte de conscience de soi, c'est-à-dire de distance par rapport à soi, et se juge cependant prisonnier de ses conditions d'existence c'est-à-dire comme n'étant pas capable de cette distance, est littéralement un aliéné."
La lucidité de ces passages est à rapprocher de la prophétie du "dernier homme" dans le Zarathoustra de Nietzsche.
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