La Mentale, Manuel Boursinhac, 2002
Un scénario repompé sur L'Impasse de De Palma. Une équipe de héros exclusivement issue de la diversité - des Maghrébins (rappelons que Driss alias Samuel Le Bihan est censé être d'origine maghrébine), des Gitans, un Juif - face à un méchant français de souche et manipulateur: le schéma classique du film pseudo-antiraciste gangsta ouech ouech de cité.
Comme d'habitude, Samy Nacéri joue son propre rôle. Du coup, quand il s'énerve et crie, il est presque crédible, mais quand il se met à l'argot franchouillard des titis parisiens, il devient carrément mauvais. Il est toutefois meilleur que Samuel Le Bihan, qui fait juste complètement pitié. Ce dernier est aussi crédible dans le rôle d'un (semi?) Maghrébin que Clotilde Courau dans celui d'une Gitane. Pourquoi Philippe Nahon (qui relève le niveau, à l'instar de François Berléand) se compromet-il dans ce navet? Probablement pour les mêmes raisons qui l'ont poussé à tourner dans un clip de Kool Shen. Pour finir, on n'est pas étonné de voir le petit Noir de la série Sous le Soleil dans le casting.
La Mentale aurait pu être un sacré nanard s'il avait été à L'Impasse ce que Le Grand Pardon est au Parrain 2 (une version judéo-franco-parodique avec l'accent pied noir). Le problème, c'est que contrairement au Grand Pardon, les acteurs sont crédibles dans leur rôle - c'est juste qu'ils jouent mal. Les dialogues sont caricaturaux et ridicules, mais dans le sens pathétique et non comique du terme. L'ambiance générale, à base de climat pluvieux, de banlieue grisâtre, de pulls à col roulés, de bonnets, de terrains vagues boueux, de routes perdues au milieu des bois ne donne pas envie de rire mais de déprimer. Dès qu'une scène tragique parvient presque à atteindre sa cible, la bande-son, les dialogues ou le jeu caricatural des acteurs remettent une louche de pathétique.
Parlons des dialogues. Le film ressemble à une parodie triste d'un film policier français des années 60, en tapant dans un registre de langage argotique bien précis, avec des expressions récurrentes censées marquer le spectateur "(le taulier", "la mentale", "j'te fume"), sauf qu'elles font juste pitié dans la bouche des acteurs, et qu'ils parlent tous de la même façon (avec un accent plus ou moins prononcé en fonction de leur origine) malgré leurs différences de profil. On sent ici la patte de scénariste de Bibi Nacéri, qui n'a mis aucune finesse dans la psychologie des personnages. Seule la compagne de Driss relève légèrement le niveau, vu qu'elle n'est pas obligée de surenchérir dans la caricature de gangster/Gitan/rebeu de cité/parrain du milieu.
"Ma mère est française et mon père du bled. J'ai des neveux catholiques, gitans, et même juifs. Alors vous savez moi les races, les religions, j'm'en bats les couilles". Belle réplique de Samy Nacéri, qui donne le ton sur son rôle et sur les valeurs du film. On apprécie aussi beaucoup la petite scène avec son papa malade, où encore une fois Samy nous livre son cœur sans retenue, car il donne tout ce brave garçon.
En résumé, La Mentale une sacrée daube française multiculturaliste, un film raté non pas au niveau des effets spéciaux ou des moyens techniques, mais des dialogues et du scénario qui sont d'une pauvreté affligeante, et pourraient faire franchement rire s'ils n'étaient pas si agaçants, médiocres et prévisibles.