Le sixième morceau vient de s’achever dans le râle agonisant d’un riff larmoyant qui n’en finissait plus de mourir et ressusciter. Je me demande si l’album est encore long. A travers la baie vitrée, la pleine lune éclaire mon salon éteint. C’est alors qu’éclate le premier riff de "Corpse – Altar - Light", une sorte de torrent de bile contenue sur le point de déborder. La batterie fait piaffer l’auditeur avant d’accompagner la course effrénée et aveugle, tel le marteau enfonçant un clou. Au premier riff dévastateur succède une litanie possédée puis un riff plaintif qui semble porter en lui toute la souffrance du monde, à l’instar du pont de "Pagan Fears" (Mayhem). Et bientôt le son s’arrête assez brutalement et j’obtiens la réponse à la question de ma deuxième phrase. Et je suis encore impressionné par la qualité de l’assaut sonore. Le temps est passé plus vite que je m’y attendais.
Je remets "Corpse – Altar - Light" en lisant les paroles. Il est question du crâne d’un cadavre monstrueux (celui de Dieu, si je comprends bien) que l’auteur investit d’une énergie surnaturelle pour faire briller ses orbites vides d’une foi nouvelle et intense. Quelle métaphore parfaite pour coller à ce morceau et à notre époque...
Les Finlandais de Warloghe ont cette faculté étonnante à l’efficacité même quand leurs plans sont prévisibles dès les premières secondes du morceau. Je savais d’avance que le batteur allait rejouer le premier riff blasté en skank beat – mais ça fonctionne quand-même.
J’aurais peut-être dû commencer par le début ? Cela faisait longtemps que j’avais volontairement ignoré cet album, après une première écoute décevante de "Underneath the Seven-Fold Eye". Je suis pourtant un familier de la discographie du groupe. Et cet album est peut-être finalement mon préféré. Dès les premières notes accrocheuses d’ "Opened and Tainted Graves", je me retrouve embarqué dans ce simili-Transilvanian Hunger dans lequel seul le semi-instrumental "A Monolith Clad in Fog" marque un temps d’ennui. Le reste se déroule avec une tendance addictive tellement forte qu’elle surmonte l’inconfort auditif généré par la production stridente des guitares.
Je crois qu’il y a dans le processus de composition de Warloghe soit une forte part d’instinct, soit une forte part de travail, soit les deux. C’est vraiment difficile d’expliciter pourquoi leur musique marche, de manière presque évidente. Par exemple, le premier riff d’ "Illuminating Void" a beau être simple, il n’en reste pas moins efficace. La voix monotone sert de liant à tous ces riffs dont j’ai du mal à trouver un défaut.
Pour les paroles, c’est un peu pareil. Mélange d’ésotérisme, de clichés sataniques et de références à l’univers nordique… Mais avec pratiquement à chaque fin, une phrase de chute qui achève la résistance mentale de l’auditeur, qui se retrouve coincé entre l’exégèse et la récitation magique.
Il existe un morceau bonus intitulé "Lifeless Union" sur une réédition de l’album. A première écoute, j’ai cru que c’était une reprise de "Born for Burning" de Bathory. Mais en fait non, c’est carrément mieux.
Deux inconvénients à cet album, pour conclure :
- la production vrille les oreilles à fort volume
- le potentiel de l’album tend à diminuer avec le temps par effet de lassitude.
C’est un peu bizarre car j’avais rodé The First Possession (vraiment jusqu’à l’abus), puis l’EP Unlighted, puis la démo, puis le dernier album, et là je n’ai envie d’écouter que celui-là, mais de moins en moins. Il va donc falloir attendre le jugement des années.
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