La Guerre des Boutons (2011)

La Guerre des Boutons (2011)
Yann Samuell

Depuis quelques années, le cinéma français cherche à revisiter les classiques de la littérature française infantile, comme le Petit Nicolas, dont l'adaptation cinématographique est assez réussie. Il s'agit en quelque sorte de ressusciter la France blanche et paisible d'antan - les petits villages pittoresques de la campagne verte avec leur ambiance si conviviale qu'elle donnerait envie de créer des parcs d'attraction sur ce thème - tout en flattant la fibre maternelle de la ménagère de moins de cent cinquante ans, attendrie par ces chères petites frimousses blondes.

Le roman génial de Louis Pergaud (dont ce film est censé s'inspirer) a marqué mon enfance par son atmosphère à la fois guerrière et potache, son langage fleuri et sa réflexion finalement assez profonde sur la nature humaine. Tableau d'une France rurale pré-1914, d'un mode de vie rude pour des gamins formés aux punitions corporelles et aux bagarres, réunis par un esprit de groupe et une stratégie militaire pour mieux triompher de l'adversaire. La peur des parents d'un côté, la peur de l'ennemi de l'autre. Au milieu, les copains et l'école pour se défouler. Des gamins qui s'entraînent à faire la guerre avec des bâtons et des lance-pierres, des futurs adultes qui feront la guerre pour de vrai avec des fusils et des baïonnettes.

Malheureusement ce film de Yann Samuell ne retranscrit en rien cette atmosphère qui m'avait tant marqué, tant il est incapable de se démarquer du registre du Petit Nicolas (les deux romans n'avaient pourtant pas grand chose en commun). Pour une raison incompréhensible, cette adaptation se passe dans les années 1960; du moins, c'est ce qui est indiqué au spectateur par des légendes écrites, car rien dans les décors et costumes n'évoque les années 60, à part une bande-son vaguement rock franchement inadaptée et semblant surfer sur le phénomène des baby rockers à la BB Brune.

Le choix des acteurs est aussi désastreux et incongru que le choix du contexte historique: Alain Chabat, Emmanuelle Seigner, Fred (le binôme d'Omar Sy), Eric Elmosnino (incarnant Gainsbourg dans Gainsbourg, vie héroïque)... Sans jouer foncièrement mal, tous ces acteurs ne sont pas crédibles dans le film, qu'ils drainent malgré eux vers le fossé de la comédie française bobo/Canal+ qui rendrait n'importe quel cinéphile allergique.

Mais le pire est à venir. Pour une raison aussi incompréhensible que le choix du cadre des années 60, le scénariste semble avoir pris d'importantes libertés dans son adaptation du roman, introduisant notamment un personnage féminin qui sort d'on ne sait où (Lanterne). Lebrac n'a plus de père? Ah bon? J'ai dû oublier le bouquin, il faudrait que je le relise... Mais attendez, ils sont pas censés se battre tout nus à un moment? Ils ne sont pas censés fouetter le traître Bacaillé? Et les scènes de rivalité entre les deux professeurs (Elmosnino et Chabat), je les ai oubliées aussi ou elles sont juste sorties de l'imagination du scénariste?

En fait, c'est quoi ce bordel? Un film médiocre qui donne juste envie de relire le bouquin pour se rappeler à quel point il était génial. Du coup, pourquoi se faire chier à regarder le film jusqu'au bout? La fin est de toute façon grotesque et n'a plus rien à voir avec le roman original.

Bref, ce film n'est pas un ratage complet, mais je le déconseille à ceux qui ont aimé le livre. A titre d'info, il y a eu d'autres adaptations cinématographiques auparavant.