- Gomorra -

Gomorra, Matteo Garrone, 2008


Gomorra (Gomorrhe en français) est le nom d'une cité biblique représentant le règne du vice et de la corruption. Le titre du film joue à la fois sur une allégorie biblique et sur une consonnance avec Camorra, l'appellation de la mafia napolitaine. Gomorra est donc un film de mafieux.

Autant prévenir tout de suite le spectateur : Gomorra n'est pas Le Parrain. Ni au niveau des moyens, ni au niveau des ambitions. Visionner Gomorra en s'attendant à un classique film de gangster ne peut qu'engendrer une déception, et je vais expliquer pourquoi.

Gomorra comporte six intrigues différentes à la fois, centrées sur les personnages suivants :
- le gamin Toto
- Don Ciro
- Roberto et son patron qui traite les déchêts
- Marco et Piselli, les deux jeunes braqueurs insolents
- le duo de tueurs camorristes sécessionnistes
- le prof de tissage qui vend ses services à des Chinois.

Je ne vais pas dévoiler davantage d'éléments de l'intrigue ici, afin de laisser le spectateur découvrir par lui-même. Je me permets néanmoins de formuler une première critique : le film, qui dure un peu plus de deux heures, comporte beaucoup de longueurs et de passages inutiles. Comme il rassemble un nombre élevé d'intrigues différentes, le spectateur a du mal à suivre, et les scènes censées être auto-explicatives traînent d'autant plus en longueur qu'elles ne favorisent pas la compréhension lors du premier visionnage (sans compter certains dialogues assez surréalistes, dans un style digne d'une nuit passée sur Arte). Il faut au moins deux visionnages quasi-successifs pour comprendre exactement les tenants et aboutissants de chaque intrigue (pourquoi untel tue untel à tel moment). Beaucoup de scènes interminables auraient gagné à être raccourcies, voire carrément coupées au montage. En même temps, difficile de faire un film de moins de deux heures quand on a six intrigues différentes. La réalisation n'aide pas non plus, et je vais y venir.

La réalisation du film (notamment le montage sonore) fait assez bas de gamme, et évoque fortement un documentaire. Peut-être était-ce le parti pris du réalisateur pour apporter plus de réalisme? Dans ce cas, le film gagne en authenticité et en réalisme ce qu'il perd en divertissement, en cohésion et en efficacité. Pourtant les scènes de meurtres sont très réussies, car filmées de façon froide et clinique, sans dramatisation. Mais on s'ennuie à les attendre, car le film manque globalement d'action et gère assez mal le suspense. Là encore, le réalisateur semble avoir hésité entre le parti pris d'un documentaire hyper réaliste et celui d'un film de gangster à la Scarface, puis avoir tranché par un compromis des deux, à défaut de choix définitif. Pourtant je ne doute pas qu'il souhaite dénoncer la mafia et non la glorifier.

Je tiens tout de même à dire que le jeu des acteurs est très bon et crédible, ce qui renforce le côté réaliste. Le tableau qui est dressé de la misère sociale napolitaine ne peut pas manquer de frapper le spectateur. Bien sûr, il faut voir le film en version originale italophone (certaines phrases sont prononcées en français, par exemple dans la scène - très cryptique et inutile malgré l'effet sonore - des scaphandres). La bande-son musicale du film est minimaliste, parfois efficace (comme au début), parfois hasardeuse.

Bref, n'ayant pas lu le livre dont a été tiré le film, je ne peux que juger le résultat que le film a produit sur moi en tant que fan de films de mafieux/gangsters à la Scarface ou Le Parrain. Comme vous venez de le lire, ce résultat est mitigé. Sans entrer dans les classiques du cinéma de genre, Gomorra reste à mes yeux un petit film sympathique (saluons l'effort de l'équipe italienne), avec ses scènes-cultes, mais à regarder avec un doigt sur la touche 'avance rapide'.

Les +
le parrain qui se tient la gorge pour parler, les scènes de crime de sang, les décors de la cité, la gueule et le jeu de certains acteurs.

Les -
l'histoire du tisserand qui ne sert à rien, les longueurs dans l'intrigue entre Roberto et son patron, qui ne sert pas à grand chose non plus (à part montrer que la mafia détourne le traitement des déchêts, et que c'est mal).